avait réussi à s’échapper dans une barque avant que la mer eût brisé le navire ; la violence dont Odoric avait usé à son égard, et de quelle manière elle avait ensuite été entraînée dans la grotte. Elle n’avait pas encore achevé son récit, lorsqu’ils aperçurent le scélérat conduit prisonnier. Les deux gardes, au milieu desquels s’avançait Odoric en- chaîné, reconnurent sur-le-champ Isabelle, et se doutèrent bien que celui qui l’accompagnait était son ami et leur maître, sur- tout quand ils eurent vu les antiques armoiries de son illustre famille peintes sur son écu. Puis, l’ayant plus attentivement re- gardé au visage, ils virent qu’ils ne s’étaient point trompés. Ils sautèrent sur-le-champ à terre ; puis, les bras ouverts, ils s’en vinrent en courant vers Zerbin, et l’embrassèrent comme on embrasse un supérieur, la tête nue et fléchissant les genoux. Zerbin, les regardant tous les deux en pleine figure, vit que l’un était Corèbe, le Biscayen, et l’autre Almonio, envoyés par lui sur le même navire qu’Odoric. Almonio dit : « Puisqu’il a plu à Dieu – grâces lui en soient rendues – qu’Isabelle t’ait rejoint, je comprends très bien, mon seigneur, que je ne t’apporte aucune nouvelle. Je n’ai donc plus qu’à t’apprendre comment il se fait que tu vois ce traître ainsi lié avec nous, car ta compagne, qui a été la plus cruellement offen- sée, a dû te raconter toute l’histoire. » Tu dois savoir comment, trompé par le traître, je m’éloignai de lui, et comment ensuite Corèbe fut blessé en dé- fendant Isabelle. Mais ce qui s’est passé à mon retour n’a été ni vu ni entendu par cette dernière, et elle n’a pu te le dire ; c’est sur ce point-là que je vais te renseigner. » Je m’en revenais en toute hâte de la ville vers la mer, avec des chevaux que j’avais trouvés, les regards sans cesse tendus pour voir si je ne découvrais pas ceux qui étaient restés derrière – 512 –