Après avoir hésité entre plusieurs genres de châtiments, il prend enfin la résolution suivante : Il se tourne vers ses compagnons et dit : « Je suis heureux de pouvoir laisser la vie à ce félon, car, s’il ne mérite point un pardon complet, il ne mérite pas non plus un châtiment aussi terrible que la mort. Qu’il vive et qu’on le délie, j’y consens ; son crime lui fut inspiré par l’amour, et les fautes que fait commet- tre l’amour peuvent facilement s’excuser. » Amour a souvent troublé des esprits plus sains que ne l’avait celui-ci, et les a poussés à de bien plus grands excès que l’outrage dont nous avons tous été victimes. C’est moi qui de- vrais être puni d’avoir été assez aveugle pour lui confier une semblable mission, sans songer que le feu allume facilement la paille. » Puis, regardant Odoric : « Je veux, – lui dit-il, – qu’en pu- nition de ta faute, tu aies pendant un an cette vieille pour com- pagne ; tu ne pourras la quitter un seul instant, ni jour ni nuit, où que tu ailles, où que tu t’arrêtes. Enfin tu devras la défendre contre quiconque voudrait lui faire outrage. » Je veux que, si elle te l’ordonne, tu livres combat à tous ceux qu’elle te désignera. Pendant ce temps, tu parcourras avec elle la France entière, de ville en ville. » Ainsi dit Zerbin. Le crime d’Odoric méritant la mort, c’était le placer devant une fosse profonde où il ne pourrait éviter de choir que par le plus grand des hasards. La vieille a trahi tant de dames et tant de chevaliers, elle en a tant et tant outragé, que celui qui devra l’accompagner ne pourra rencontrer de chevalier errant sans avoir à soutenir une lutte. Ainsi, ils seront punis tous les deux : elle, de ses anciens forfaits ; lui, en étant obligé de prendre injustement sa défense. Il ne pourra rester ainsi longtemps sans recevoir la mort. – 516 –