Fleur-de-Lys cherche en vain Brandimart du matin au soir. Elle fait un long chemin loin de lui, loin de lui qui est déjà re- tourné à Paris. Elle va si loin, par monts et par vaux, qu’elle ar- rive au passage d’une rivière où elle voit et reconnaît le malheu- reux paladin. Mais disons d’abord ce qu’il advint de Zerbin. Laisser Durandal en de telles mains lui semble la pire de ses douleurs, bien qu’il puisse à peine se tenir à cheval, telle- ment il a perdu et tellement il perd de sang. Au bout d’un mo- ment, la chaleur l’abandonne avec la colère, et ses souffrances augmentent à tel point qu’il sent la vie lui manquer. Sa faiblesse l’empêche d’aller plus loin et l’oblige à s’arrêter près d’une fontaine. La damoiselle inconsolable ne sait ce qu’elle doit faire ou dire pour le secourir. Elle le voit mourir faute de soins, car le lieu où ils sont est trop éloigné de toute cité pour qu’un médecin puisse y venir et, par pitié ou à prix d’argent, panse le blessé. Elle ne sait que se lamenter en vain et accuser la fortune et le ciel de cruauté et de barbarie, « Hélas ! – disait-elle – pour- quoi ne m’avez-vous pas noyée quand je voguais sur l’Océan ? » Zerbin, qui a tourné vers elle ses yeux languissants, est plus dé- sespéré de la voir se lamenter ainsi, que de la souffrance tenace et forte qui l’a conduit aux portes de la mort. « Mon cœur – lui disait-il – consentez à m’aimer encore quand je serai mort, car c’est de vous laisser seule et sans appui qui me chagrine, et non point de mourir. S’il m’était arrivé de terminer ma vie vous sachant en sûreté, je serais mort heureux et plein de joie d’expirer sur votre sein. » Mais puisque mon destin injuste et dur veut que je vous laisse aux mains de je ne sais qui, je jure par cette bouche, par ces yeux, par cette chevelure qui m’ont enchaîné, que je vais – 523 –