te servira d’être vaillant ; il considère comme une grande injure de m’avoir perdue, car j’étais son épouse et il vient pour se ven- ger. » Comme le vaillant vautour, qui voit de loin venir vers lui un canard, une bécasse, une perdrix, une colombe ou tout autre oiseau semblable, lève la tête et se montre joyeux et satisfait, ainsi Mandricard, comme s’il était certain de faire de Rodomont une boucherie, un carnage, saute joyeux et léger sur son des- trier, se raffermit sur ses étriers, et saisit la bride. Lorsqu’ils sont assez près l’un de l’autre pour pouvoir en- tendre leurs paroles altières, le roi d’Alger commence à menacer son adversaire des mains et de la tête, criant qu’il le ferait re- pentir de lui avoir, pour satisfaire un désir téméraire, manqué de respect, à lui qui s’est toujours si largement vengé. Mandricard lui répond : « En vain tu essaies de m’effrayer par tes menaces. C’est ainsi qu’on épouvante les enfants et les femmes, ou ceux qui ne savent pas ce que c’est qu’une arme, mais non pas moi qui me plais plus à la bataille qu’au repos. Je suis prêt à combattre, à pied ou à cheval, armé ou désarmé, en rase campagne ou en champ clos. » Voici qu’ils en sont aux injures, aux cris, aux exclamations de colère ; ils tirent leurs épées et le choc cruel des deux fers retentit. Ainsi tout d’abord le vent souffle à peine ; puis il com- mence à ébranler frênes et chênes ; enfin, roulant jusqu’au ciel un nuage de poussière, il déracine les arbres, renverse les mai- sons, soulève la mer où il déchaîne la tempête, et détruit les troupeaux épars dans la forêt. Les deux païens sont sans égaux sur terre. Leur audace, leur force prodigieuse leur font frapper des coups et entamer un combat dignes de leur féroce origine. La terre tremble au bruit terrible du choc produit par les épées qui se rencontrent. Les – 527 –