La malheureuse bête n’avait pas le casque de Troyes, comme son maître ; aussi elle est tuée net. Elle tombe, et Mandricard se retrouve sur pied. Revenu de son étourdissement, il fait tournoyer Durandal. La vue de son cheval mort allume sa colère comme un vaste incendie, et le met hors de lui. L’Africain cherche à le heurter de son destrier, mais Mandricard ne bronche pas plus que l’écueil battu des ondes. Il réussit à faire tomber le destrier de son adversaire, tout en res- tant ferme sur ses pieds. L’Africain, qui sent son cheval manquer sous lui, aban- donne les étriers, et, s’appuyant sur les arçons, saute légèrement à terre. Ainsi l’un et l’autre se retrouvent face à face, à chances égales. Le combat recommence plus ardent que jamais. La haine, la colère, l’orgueil croissent des deux côtés et prolongent la lutte. Mais soudain arrive en toute hâte un messager qui les sépare. Arrive un messager du peuple maure. C’était un de ceux qui avaient été envoyés par toute la France, pour rappeler sous les drapeaux les capitaines et les chevaliers sarrasins, car l’empereur aux fleurs de lys d’or assiégeait les logements de l’armée des infidèles, laquelle, à moins d’être promptement se- courue, devait nécessairement périr. Le messager reconnaît les chevaliers à leurs armes et à leurs vêtements, mais surtout à leur façon de manier l’épée, ain- si qu’aux coups formidables que d’autres mains que les leurs n’auraient pu porter. Cependant, il n’ose s’interposer entre eux, car il n’est pas rassuré par sa qualité de messager du roi, et ne se fie pas non plus à son inviolabilité d’ambassadeur. Mais il vient à Doralice et lui apprend qu’Agramant, Mar- sile et Stordilan, avec un petit nombre de soldats, sont assiégés dans leur camp par l’armée des chrétiens, et courent de grands – 529 –