En attendant, je vais, de mon ciseau malhabile, enlever les premiers et rugueux éclats. Peut-être qu’encore, grâce à une étude plus soignée, je rendrai par la suite ce travail parfait. Mais retournons à celui dont ni écu ni haubert ne pourrait rassurer le cœur ; je parle de Pinabel de Mayence qui espérait avoir tué Bradamante. Le traître croit la damoiselle morte au fond du précipice ; le visage pâle, il quitte cette sombre caverne par lui déshonorée et s’empresse de remonter en selle. Et en homme qui avait l’âme assez perverse pour accumuler faute sur faute, crime sur crime, il emmène le cheval de Bradamante. Laissons ce misérable, – pendant qu’il attente à la vie d’autrui, il travaille à sa propre mort, – et retournons à la dame qui, trahie par lui, a failli trouver du même coup mort et sépul- ture. Après qu’elle se fut relevée tout étourdie, car elle avait frappé contre la rude pierre, elle s’avança vers la porte qui don- nait entrée dans la seconde et beaucoup plus large caverne. L’emplacement, carré et spacieux, semble une chapelle vé- nérable et consacrée, soutenue par des colonnes d’un albâtre rare et d’une belle architecture. Au milieu s’élevait un autel bien ordonné, devant lequel était une lampe allumée, dont la flamme brillante et claire rendait une vive lumière dans l’une et l’autre caverne. Saisie d’une pieuse humilité, la dame, aussitôt qu’elle se voit dans un lieu saint et consacré, s’agenouille, et du cœur et de la bouche commence à adresser ses prières à Dieu. Pendant ce temps une petite porte, placée en face d’elle, s’ouvre et crie ; il en sort une femme sans ceinture, les pieds nus et les cheveux épars, qui salue la damoiselle par son nom, – 53 –