chemine aussi le petit nain qui avait suivi les traces du Tartare, et avait conduit jusqu’à lui le jaloux Rodomont. Ils arrivent dans un pré, où plusieurs chevaliers se délas- saient au bord d’un ruisseau. Deux d’entre eux étaient désar- més ; les deux autres avaient leur casque. Une dame, fort belle de visage, était avec eux. Je vous dirai ailleurs qui ils étaient, non maintenant, car j’ai à vous parler auparavant de Roger, du brave Roger qui, comme je vous l’ai raconté, avait jeté dans un puits l’écu enchanté. Il était à peine éloigné d’un mille, qu’il vit venir en grande hâte un des courriers que le fils de Trojan avait envoyés à ses chevaliers pour réclamer leur concours. Ce courrier lui apprit que Charles tenait en un tel péril l’armée sarrasine, que si elle n’était promptement secourue elle y laisserait bien vite l’honneur et la vie. Roger, à cette nouvelle, fut assailli par un grand nombre de pensées diverses qui lui vinrent toutes à la fois à l’esprit. Mais ce n’était ni le lieu ni le moment de réfléchir longtemps au meilleur parti à prendre. Il laissa partir le messager, et tourna bride vers l’endroit où la dame le pressait tellement d’aller, qu’elle ne lui donnait pas même le temps de se reposer. En suivant le chemin qu’ils avaient pris tout d’abord, ils ar- rivèrent, au déclin du jour, dans une ville que le roi Marsile pos- sédait au beau milieu de la France et qu’il avait prise, pendant la dernière guerre, au roi Charles. Roger ne fut arrêté par per- sonne aux ponts-levis ou aux portes, bien que tout autour des remparts il y eût une grande quantité d’hommes d’armes. La damoiselle qui l’accompagnait étant connue de ces gens, on le laissa passer librement et sans même lui demander d’où il venait. Il arriva à la grande place et la trouva pleine de monde, – 533 –