et éclairée par le feu d’un bûcher. Tout au milieu se tenait, le visage couvert de pâleur, le jouvenceau condamné à mort. À peine Roger eut-il levé les yeux sur cet infortuné qui pen- chait vers la terre sa figure inondée de larmes, qu’il crut voir Bradamante, tellement le jeune homme lui ressemblait. Plus il regardait son visage et sa personne, et plus il lui semblait que c’était elle, « C’est Bradamante – se dit-il – ou je ne suis plus Roger ! » Emportée par une trop grande ardeur, elle aura pris la défense du condamné, et sa tentative ayant échoué, elle aura, je le vois, été faite prisonnière. Ah ! pourquoi s’est-elle tant pres- sée, puisque je ne pouvais pas me trouver à côté d’elle pour ten- ter l’entreprise ? Mais je rends grâce à Dieu d’être venu encore à temps pour la sauver. » Et, sans plus tarder, il saisit son épée, car il avait rompu sa lance dans sa lutte à l’autre château, et pousse son destrier au milieu de la foule. Son épée décrit un cercle et ouvre à l’un le front, à l’autre la gorge, à un troisième la joue. La populace fuit en criant ; un grand nombre restent sur place éclopés ou la tête fracassée. Telle une bande d’oiseaux qui, sur les bords d’un étang, voltigent en sûreté et pourvoient à leur nourriture ; si quelque faucon fond à l’improviste sur eux du haut des airs, et en saisit un dans ses serres, tout le reste s’éparpille en fuyant ; chacun s’inquiète peu de son voisin et ne songe qu’à son propre salut. Ainsi vous auriez vu faire tous ces gens, dès que le brave Roger se fut précipité sur eux. À quatre ou six, plus lents à fuir que les autres, Roger abat la tête de dessus les épaules. Il en partage autant jusqu’à la poi- trine, et un nombre infini jusqu’aux yeux et jusqu’aux dents. Je sais bien qu’ils n’avaient point de casques, mais ils étaient ce- – 534 –