jeune homme, et l’avait armé de son mieux, en lui mettant une épée à la main et un bouclier au cou. Celui-ci, qui avait été si indignement traité, brûlait de se venger le plus possible sur tous ces gens ; aussi, par l’énergie qu’il déploya en cette circonstance, montra-t-il qu’il méritait le titre de preux et de vaillant. Le soleil avait déjà noyé les roues dorées de son char dans la mer d’occident, lorsque Roger, victo- rieux, sortit du château, accompagné du jouvenceau. Quand le jeune garçon se trouva en sûreté hors des portes, il exprima, avec beaucoup de gentillesse et de courtoisie, sa re- connaissance à Roger qui s’était exposé à la mort pour le sauver, et cela sans le connaître. Il le pria de lui dire son nom, afin qu’il sût à qui il avait une telle obligation. « Je vois – se disait Roger – le beau visage, les belles ma- nières, les traits charmants de ma Bradamante, mais je ne re- connais pas la douceur de son parler si suave. Il ne me semble pas non plus que c’est ainsi qu’elle devrait remercier son amant fidèle. Mais si cependant c’est bien Bradamante, comment a-t- elle sitôt oublié mon nom ? » Pour sortir de cette incertitude, Roger lui dit poliment : « Je vous ai vu ailleurs à ce que je pense, mais je ne puis me souvenir où. Dites-le-moi, si vous vous le rappelez, et faites-moi le plaisir de m’apprendre aussi votre nom, pour que je sache quel est celui que mon aide a sauvé aujourd’hui du feu. » « Il se peut que vous m’ayez vu en effet – répondit celui-ci – mais je ne sais où ni quand. Je vais aussi de mon côté, parcou- rant le monde, et cherchant çà et là les aventures extraordinai- res. Peut-être avez-vous vu une sœur à moi, qui a endossé l’armure et porte l’épée au flanc. Nous sommes jumeaux, et elle me ressemble tellement, que, dans notre famille, on ne peut nous distinguer l’un de l’autre. – 536 –