en lui faisant fête, car, n’ayant pas reçu depuis longtemps de ses nouvelles, nous étions fort inquiets, et nous craignions qu’elle ne fût morte. » Nous vîmes avec étonnement, quand elle ôta son casque, que ses cheveux, qui auparavant se répandaient tout autour de sa tête, étaient coupés court. Nous admirâmes également la soubreveste de voyage dont elle était revêtue. Et elle, du com- mencement jusqu’à la fin, nous raconta toute l’aventure que je viens de vous dire : comment elle avait été blessée dans un bois, et comment, pour se guérir, elle avait dû laisser couper sa belle chevelure. » Et comment ensuite, s’étant endormie sur la rive d’un ruisseau, survint une belle chasseresse, qui, trompée par sa fausse apparence, s’éprit d’elle. Elle dit comment celle-ci l’attira loin de ses compagnons ; elle ne nous cacha rien des tourments de cette damoiselle, et son récit nous remplit l’âme de pitié. Elle nous apprit enfin comment elle en reçut l’hospitalité, et tout ce qui s’était passé jusqu’à son retour au château. » J’avais beaucoup entendu parler de Fleur-d’Épine, et je l’avais déjà vue à Saragosse et en France. Ses beaux yeux et son doux visage avaient grandement excité mes désirs. Mais je n’avais pas cru devoir laisser grandir cette passion naissante, estimant qu’aimer sans espoir est un songe, une folie. Or, mon ancienne flamme, revenant en moi avec violence, se ralluma soudain. » Amour ourdit lui-même les nœuds dans lesquels je plaçai mon espoir ; aurait-il pu en être autrement ? Dès qu’il m’eut ressaisi, il m’enseigna la manière dont j’obtiendrais de ma dame ce que je désirais. La fraude était facile à imaginer ; cette res- semblance avec ma sœur, qui en avait trompé tant d’autres, tromperait encore, sans aucun doute, cette jeune donzelle. – 542 –