» Il arrive souvent que celui qui avait perdu tout espoir de posséder l’objet sur lequel toutes ses pensées étaient concen- trées, et qui, dans son désespoir d’en être privé, s’affligeait et se consumait de colère et de rage, vient par la suite à posséder cet objet. Alors sa longue crainte d’avoir semé sur le sable, sa dé- sespérance, lui oppressent tellement le cœur et le disposent tel- lement au doute, qu’il n’en croit pas son propre témoignage, et reste tout interdit. » Ainsi la dame, bien qu’elle voie, bien qu’elle touche ce qu’elle avait tant désiré, n’ose croire à ses yeux, à sa main, à elle- même, et doute d’être encore endormie. Il faut lui montrer, par de bonnes preuves, qu’elle sent bien réellement ce qu’elle croit ne sentir qu’en songe. “Fasse Dieu – dit-elle – si tout cela n’est qu’un rêve, que je dorme toujours, et que je ne me réveille plus jamais !” » Ce ne furent pas les rumeurs du tambour, ni les sons de la trompette qui préparèrent l’amoureux assaut ; mais des bai- sers, à l’instar de ceux des colombes, donnaient le signal tantôt de la lutte, tantôt du repos. Nous nous servîmes d’armes tout autres que les flèches et les frondes. Quant à moi, je montai sans échelle à l’assaut de la forteresse, et j’y plantai à plusieurs repri- ses mon étendard, après avoir renversé l’ennemie sous moi. » Si ce même lit avait retenti, la nuit précédente de soupirs et de plaintes, il put, la nuit suivante, entendre les éclats de rire, les doux jeux, la fête éclatante, les cris de volupté. L’acanthe flexible n’enlace pas les colonnes et les chapiteaux de nœuds plus nombreux, que ceux formés par nos cous, nos flancs, nos bras, nos jambes, nos poitrines. » La chose fut tenue assez secrète entre nous pour que nos plaisirs durassent plusieurs mois. Mais quelqu’un s’en étant aperçu par la suite, en instruisit, pour mon malheur, le roi Mar- – 546 –