sile. Vous qui m’avez délivré des mains de ses satellites, sur la place où le bûcher était déjà allumé, vous pouvez comprendre désormais le reste. Dieu sait que j’en éprouve une douleur cruelle. » C’est ainsi que Richardet entretenait Roger et rendait ainsi à tous deux leur voyage nocturne moins pénible. Ils arrivèrent cependant vers un coteau entouré de précipices et de roches escarpées. Un chemin montueux, étroit et plein de pierres per- mettait d’arriver péniblement au sommet où s’élevait le château d’Aigremont, confié à la garde d’Aldigier de Clermont. Ce dernier était le fils bâtard du comte de Boves, et le frère de Maugis et de Vivian. Ceux qui l’ont donné comme fils légi- time de Gérard ont avancé une chose téméraire et fausse. Qu’il fût l’un ou l’autre, la vérité est qu’il était vaillant, prudent, libé- ral, courtois, humain, et qu’il faisait bonne garde, de nuit et de jour, autour des murailles du château appartenant à ses frères. Le chevalier accueillit courtoisement, comme il le devait, son cousin Richardet qu’il aimait comme un frère. Roger fut aussi le bienvenu par égard pour lui. Cependant Aldigier ne vint pas à leur rencontre avec l’air joyeux qui lui était habituel. Son visage, au contraire, était triste, car il avait reçu le jour même une nouvelle qui l’avait fort affligé. Au lieu de salut, il aborda ainsi Richardet : « Frère, nous avons une nouvelle qui n’est pas bonne. J’ai su aujourd’hui, par un messager très sûr, que l’infâme Bertolas de Bayonne s’est entendu avec la cruelle Lanfuse, et lui a donné de riches pré- sents, pour qu’elle lui livrât tes bons cousins Maugis et Vivian. » Depuis le jour où Ferragus les a faits prisonniers, elle les a toujours tenus en un lieu secret et sombre. Enfin elle vient de conclure ce traité déloyal et cruel avec celui dont je te parle. Elle doit les livrer demain au Mayençais, sur les confins de ses do- – 547 –