que la fortune se déclare en faveur de Charles, il porte sa ban- nière vers le vainqueur. » Quinze ou vingt jours, je pense, me suffiront pour déga- ger le camp des Sarrasins des ennemis qui l’assiègent. Pendant ce temps, je chercherai des raisons convenables pour me retirer. Je vous demande de m’accorder ce délai au nom de mon hon- neur. Puis le reste de ma vie sera tout à vous. » Roger se répand en semblables propos que je ne saurais vous dire jusqu’au bout. Il en ajoute beaucoup d’autres, et ne termine sa lettre que lorsqu’il voit la feuille toute remplie. Puis il plie la lettre, la scelle et la met sur sa poitrine, dans l’espoir que le jour suivant il trouvera quelqu’un qui puisse la porter secrè- tement à sa dame. La lettre close, il se jette de nouveau sur son lit où il peut enfin fermer les yeux et trouver quelque repos. Le sommeil vient en effet secouer sur son corps fatigué ses rameaux trempés dans l’eau du Léthé. Il repose jusqu’à ce que les nuages roses et blancs viennent parsemer de fleurs les contrées joyeuses du lu- mineux orient, et que le jour s’élance de sa demeure dorée. Dès que les oiseaux, dans les vertes branches, eurent com- mencé à saluer le jour naissant, Aldigier qui voulait servir de guide à Roger et à son compagnon, et les conduire à l’endroit où ils devraient empêcher ses deux frères d’être livrés aux mains de Bertolas, fut le premier sur pieds. Les deux autres chevaliers, à son appel, sautèrent également hors du lit. Après qu’ils se furent habillés et bien armés, Roger se mit en route avec les deux cousins ; il les avait longtemps priés, mais en vain, de le laisser se charger tout seul de l’entreprise. Mais il leur eût semblé manquer aux lois de la courtoisie que de le laisser aller seul au secours de leurs frères. Ils se montrèrent – 551 –