» Suis-le, et lorsque tu seras assez près de cette roche pour qu’elle se découvre à tes regards, donne-lui la mort. Que la pitié ne te détourne pas de mettre mon conseil à exécution. Fais en sorte qu’il ne devine pas ton dessein, car il disparaîtrait à tes yeux, dès qu’il aurait mis l’anneau magique dans sa bouche. » Ainsi parlant, elles arrivèrent sur le bord de la mer, près de Bordeaux, à l’endroit où se jette la Garonne. Là, non sans quel- ques larmes, les deux femmes se quittèrent. La fille d’Aymon, qui, pour délivrer son amant de prison, ne s’endort pas, che- mine tant, qu’en une soirée elle arrive à l’auberge où Brunel était déjà. Elle reconnaît Brunel dès qu’elle le voit, car elle avait son portrait sculpté dans la mémoire. Elle lui demande d’où il vient et où il va. Celui-ci lui répond et lui ment sur toute chose. La dame, prévenue, ne lui cède point en mensonges et dissimule également sa patrie, sa famille, sa religion, son nom et son sexe ; et elle tient constamment les yeux fixés sur les mains de Brunel. Sur ses mains, elle va fixant constamment les yeux, crai- gnant toujours d’être volée par lui ; et elle ne le laisse pas trop s’approcher d’elle, bien informée qu’elle est de ce dont il est ca- pable. Ils se tenaient tous les deux dans cette attitude, quand leur oreille fut frappée par une rumeur. Je vous dirai, seigneur, quelle en fut la cause, après que j’aurai pris un repos qui m’est bien dû. – 68 –