Et elle voit l’hôte et toute sa famille qui, en dehors du che- min, tenaient les yeux levés au ciel, comme s’il y eût eu une éclipse ou une comète. La dame aperçoit alors une grande mer- veille qui ne serait pas facilement crue : elle voit passer un grand destrier ailé qui porte dans l’air un chevalier armé. Grandes étaient ses ailes et de couleurs variées. Au beau milieu se tenait un chevalier dont l’armure était de fer lumineux et étincelant. Il avait dirigé sa course vers le ponant. Il s’éloigna et disparut à travers les montagnes. C’était, comme dit l’hôte, – et il disait la vérité, – un nécromancien ; et il faisait souvent ce voyage plus ou moins long. Dans son vol, il s’élevait parfois jusqu’aux étoiles et parfois rasait presque la terre, emportant avec lui toutes les belles da- mes qu’il trouvait dans ces contrées ; à tel point que les malheu- reuses donzelles qui étaient ou qui se croyaient belles – comme effectivement toutes se croient – ne sortaient plus tant que le soleil se faisait voir. « Il possède sur les Pyrénées – racontait l’hôte – un châ- teau bâti par enchantement, tout en acier et si brillant et si beau, qu’aucun autre au monde n’est si merveilleux. Déjà beau- coup de chevaliers y sont allés, et aucun n’a pu se vanter d’en être revenu. C’est pourquoi je pense, seigneur, et je crains fort, ou qu’ils soient prisonniers, ou qu’ils aient été mis à mort. » La dame écoute tout cela et s’en réjouit, espérant faire – comme elle fera certainement – une telle épreuve avec l’anneau magique, que le magicien et son château en soient vaincus. Et elle dit à l’hôte : « Trouve-moi un de tes gens qui, plus que moi, connaisse le chemin, car je ne puis attendre, tant le cœur me brûle de livrer bataille à ce magicien. » – 70 –