« Tu ne manqueras pas de guide – lui répond alors Brunel – et j’irai avec toi. J’ai la route toute tracée par écrit, et d’autres choses encore qui te rendront ma compagnie agréable. » Il veut parler de l’anneau, mais il ne le dit pas plus clairement, de peur d’en payer la peine. « Ta présence – dit-elle – m’est agréable. » Voulant dire que, par là, l’anneau deviendra sien. Elle dit ce qu’il était utile de dire, et cache tout ce qui pou- vait lui nuire auprès du Sarrasin. L’hôte avait un destrier qui lui plut, et qui était bon pour la bataille et pour la marche. Elle l’acheta et partit à la pointe du jour suivant, par une belle mati- née. Elle prit son chemin par une vallée étroite, avec Brunel, qui allait tantôt devant, tantôt derrière elle. De montagne en montagne, de bois en bois, ils arrivèrent à l’endroit où l’altitude des Pyrénées permet de voir, si l’air n’est pas obscurci, la France et l’Espagne et les rives des deux mers. Ainsi, dans l’Apennin, on découvre la mer Adriatique et la mer Toscane, du col par lequel on va à Camaldoli. De là, par une descente raide et fatigante, on descendait dans la profonde val- lée. Au milieu surgit un rocher dont la cime, entièrement en- tourée d’un mur d’acier, s’élève tellement vers le ciel, qu’elle domine tout ce qui est à l’entour. À moins de voler, on ne peut songer à y atteindre. Tout effort y serait dépensé en vain. Brunel dit : « C’est là que le magicien tient captifs les dames et les che- valiers. » Le rocher était taillé aux quatre coins, et si droit qu’il pa- raissait tiré au cordeau. D’aucun côté n’existait sentier ni esca- lier qui donnât facilité d’y monter ; et l’on voyait bien qu’un animal possédant des ailes pouvait seul avoir cette demeure pour nid ou pour tanière.Là, la dame comprit que l’heure était venue de s’emparer de l’anneau et de faire mourir Brunel. – 71 –