qu’il découvrait l’écu, elle ferma les yeux et se laissa tomber à terre. Non pas que l’éclat du brillant métal lui eût causé du mal, ainsi qu’il avait coutume de le faire aux autres ; mais elle agit ainsi pour que l’enchanteur descendît de cheval et s’approchât d’elle. Son désir ne fut pas trompé, car aussitôt que sa tête eut touché la terre, le cheval volant, accélérant son vol, vint se poser à terre en décrivant de larges cercles. Le magicien laisse à l’arçon l’écu qu’il avait déjà remis sous sa couverture, et descend à pied vers la dame, qui attend, comme le loup dans le buisson, à l’affût du chevreau. Sans plus de retard, elle se lève aussitôt qu’il est près d’elle et le saisit étroitement. Le malheureux avait laissé à terre le livre qui faisait toute sa force. Et elle le lie avec une chaîne qu’il avait coutume de porter à la ceinture pour un pareil usage, car il ne croyait pas moins l’en lier qu’il avait jusque-là lié les autres. La dame l’avait déjà repo- sé à terre. S’il ne se défendit pas, je l’excuse volontiers, car il y avait trop de différence entre un vieillard débile et elle si ro- buste. S’apprêtant à lui couper la tête, elle lève en toute hâte sa main victorieuse ; mais, après avoir vu son visage, elle arrête le coup, comme dédaigneuse d’une si basse vengeance. Un véné- rable vieillard à la figure triste, tel lui apparaît celui qu’elle a vaincu. À son visage ridé, à son poil blanc, il paraît avoir soixante ans ou très peu moins. « Ôte-moi la vie, jeune homme, au nom de Dieu, » dit le vieillard plein de colère et de dépit. Mais elle avait le cœur aussi peu disposé à lui enlever la vie, que lui était désireux de la quit- ter. La dame voulut savoir qui était le nécromant, et dans quel – 74 –