sortir un ou deux de tes amis et laisse le reste ; ou bien encore tires-en tous les autres, et je ne te réclamerai plus rien, sinon que tu me laisses mon Roger. » Et si tu es résolu à me l’enlever, eh bien ! avant de le ra- mener en France, qu’il te plaise d’arracher cette âme désolée de son enveloppe désormais flétrie et desséchée. » La damoiselle lui répond : « Je veux le mettre en liberté. Quant à toi, saches que tes lamentations sont de vaines sornettes, et ne m’offre plus en don l’écu et le coursier, qui sont à moi et non plus à toi. » Mais s’il t’appartenait encore de les garder ou de les don- ner, l’échange ne me paraîtrait pas suffisant. Tu dis que tu dé- tiens Roger pour le protéger contre la mauvaise influence de son étoile. Tu ne peux savoir ce que le Ciel a résolu de lui, ou, le sa- chant, tu ne peux l’empêcher. Mais si tu n’as pas pu prévoir ton propre malheur qui était si proche, à plus forte raison tu ne sau- rais prévoir l’avenir d’autrui. » Ne me prie pas de te tuer, car tes prières seraient vaines. Et si tu désires la mort, encore que le monde entier la refuse, de soi-même peut toujours l’avoir une âme forte. À tous tes pri- sonniers ouvre les portes. » Ainsi dit la dame, et sans tarder elle entraîne le magicien vers la roche. Lié avec sa proche chaîne, Atlante allait, suivi par la damoi- selle, qui s’y fiait encore à peine, bien qu’il parût tout à fait rési- gné. Il ne la mène pas longtemps derrière lui, sans qu’ils aient retrouvé, au pied de la montagne, l’ouverture et les escaliers par où l’on monte au château, à la porte duquel ils arrivent enfin. Sur le seuil, Atlante soulève une pierre où sont gravés des caractères et des signes étranges. Deux vases sont dessous en forme de marmites, qui jettent constamment de la fumée, ayant dans leur intérieur un feu caché. L’enchanteur les brise, et sou- dain la colline redevient déserte, inhabitée et inculte ; on ne voit – 76 –