plus d’aucun côté ni mur ni tour, comme si jamais un château n’eût existé en cet endroit. Alors le magicien se délivre de la dame comme fait souvent la grive qui s’échappe du filet ; et avec lui disparaît subitement le château, laissant en liberté la compagnie qu’il contenait. Les dames et les chevaliers se trouvèrent hors des superbes appar- tements, en pleine campagne, et beaucoup d’eux en furent fâ- chés, car cette mise en liberté les privait de grands plaisirs. Là est Gradasse, là est Sacripant, là est Prasilde, le noble chevalier qui vint du levant avec Renaud ; avec lui est Iroldo, et tous deux font une vraie paire d’amis. Enfin, la belle Brada- mante y retrouve son Roger si désiré, lequel, après l’avoir re- connue, lui fait un bon et très reconnaissant accueil. Plus que ses yeux, plus que son cœur, plus que sa propre vie, Roger l’aima du jour où, ayant levé son casque pour lui, elle fut blessée grâce à cette circonstance. Il serait trop long de dire comment et par qui, et combien longtemps, par la forêt sauvage et déserte, ils se cherchèrent ensuite nuit et jour, sans avoir pu jamais se retrouver, sinon ici. Maintenant qu’il la voit près de lui, et qu’il apprend qu’elle seule a été sa libératrice, son cœur est plein d’une telle joie, qu’il se déclare le plus fortuné des hommes. Ils descendent de la montagne dans ce vallon où la dame avait été victorieuse, et où ils trouvent encore l’hippogriffe, ayant au flanc l’écu, mais re- couvert. La dame va pour le prendre par la bride, et lui l’attend jus- qu’à ce qu’elle soit à ses côtés. Puis, il déploie les ailes par l’air serein, et se repose non loin de là à mi-côte. Elle le poursuit, et lui, ni plus ni moins que la première fois, s’élève dans les airs et ne se laisse pas trop approcher. Ainsi fait la corneille sur le sable aride, qui, derrière les chiens, deçà delà voltige. – 77 –