» ”Il en était amoureux ; et comme ses intentions n’étaient point déshonnêtes, je ne veux pas le cacher. Il espérait, par son mérite, et grâce à ses fidèles services, l’obtenir de toi pour femme. Mais pendant que le malheureux en respirait respec- tueusement de loin le parfum, il a vu un autre monter sur l’arbre objet de son culte, et cueillir le fruit si ardemment dési- ré.” » Et il continua, disant comment il avait vu Ginevra venir sur le balcon, et comment elle jeta l’échelle par laquelle était monté jusqu’à elle un amant dont il ne savait pas le nom, et qui avait, pour ne pas être reconnu, changé ses vêtements et caché ses cheveux. Il ajouta qu’il était résolu à prouver, par les armes, que tout ce qu’il avait dit était vrai. » Tu peux penser si le père de Ginevra fut atterré de dou- leur, quand il entendit accuser sa fille. Il s’afflige non seulement d’avoir appris d’elle ce qu’il n’aurait jamais soupçonné, et ce qui l’étonne étrangement, mais aussi parce qu’il se voit dans la né- cessité, si aucun guerrier ne prend sa défense et ne convainc Lurcanio de mensonge, de la condamner et de la faire mourir. » Je ne pense pas, seigneur, que tu ignores que notre loi condamne à mort toute dame ou damoiselle convaincue de s’être livrée à un autre que son époux. Elle est mise à mort, si, au bout d’un mois, il ne se trouve pas un chevalier assez vaillant pour soutenir son innocence contre l’accusateur, et prouver qu’elle ne mérite pas de mourir. » Le roi, dans l’espoir de la sauver, a fait publier – car il croit que sa fille est accusée à tort – que son intention est de la donner pour femme, avec une grande dot, à qui la tirera de l’infamie dont elle est victime. Mais on ne dit pas qu’aucun guerrier se soit encore présenté pour elle. Tous se regardent les – 97 –