Je vais dire de Roland, d'une manière encore jamais utilisée en prose ou en vers, comment son amour l'a rendu fou et furieux, lui qui auparavant était considéré comme sage. Je le dirai, si celle qui a presque fait la même chose de moi en emportant parfois mon peu d'esprit m'en a suffisamment laissé pour accomplir ce que j'ai promis. Je vous prie, race généreuse d'Hercule, ornement et splendeur de notre époque, ô Hippolyte, d'accepter ce que votre humble serviteur peut et veut uniquement vous offrir. Ce que je vous dois, je peux le payer en partie par des paroles, en partie par écrits. Qu'on ne me reproche pas de vous donner peu, car je donne tout ce que je peux. Vous entendrez, parmi les héros les plus dignes que je m'apprête à nommer avec louange, mentionner ce Roger qui fut l’ancêtre de vous et de vos illustres ancêtres. Je vais vous faire comprendre sa grande valeur et ses actions éclatantes, si vous me prêtez attention. La légende a immortalisé Roland, le sujet du poème d'Arioste, sans que nous sachions encore s'il y a vraiment eu un personnage de ce nom. Selon la légende, Roland était le fils de Milon, comte d'Anglante (Angers), et de Bertha, une des filles de Charlemagne. Il reçut de l'empereur le sénat de Rome, le marquisat de Brava (peut-être Bourges, que les Latins appelaient Bravium) et le comté d'Anglante, qui venait de son père. On pense que le poète fait ici allusion à Alessandra Benucci, une dame florentine, veuve de Tito Strozzi, qui vivait à la cour du duc de Ferrare. Arioste l'a rencontrée à Florence lorsqu'il s'y est arrêté, à son retour de Rome en 1513, pour les festivités de la Saint-Jean. Il l'a épousée en secret, probablement en 1527. Elle lui a survécu dix-neuf ans, étant morte en septembre de l'année 1552. Arioste a dédié son poème au cardinal Hippolyte d'Este, fils d'Hercule Ier, deuxième duc de Ferrare, à la cour duquel le poète a vécu quelque temps.