« Puis-je vraiment laisser ma propre vie ? Ah si je devais arrêter de l'aimer, autant cesser de vivre maintenant. » Si quelqu'un devait me demander qui est celui qui verse autant de larmes sur la rivière, je répondrais que c'est le roi de Circassie, Sacripant, qui est tourmenté par l'amour. Ajoutant que l'unique et principale cause de sa souffrance est son amour pour Angélique, dont il est un des amants, et où il est considéré par elle. Originaire d'un pays où le soleil se couche, il voyagea depuis l'extrême Orient par amour pour elle, après avoir appris avec grande peine en Inde qu'elle avait suivi Roland dans l'Occident. Ensuite, en France, il apprit que l'empereur l'avait isolée de ses autres prétendants et promise en récompense à celui qui aiderait le plus le symbole du lis d'or. Il était allé au camp de guerre et avait vu la défaite que le roi Charles avait subi. Il avait cherché des traces d’Angélique la belle sans succès jusqu'à présent. C'est donc cette triste nouvelle qui le fait gémir de chagrin, s'affliger, se lamenter et prononcer des mots qui auraient pu, par pitié, arrêter le soleil. Alors qu'il s'afflige et se lamente ainsi, avec ses yeux transformés en une fontaine tiède, déclamant ces paroles et bien d'autres qu'il ne me semble pas nécessaire de répéter, sa fortune aventureuse a voulu que ces mots soient portés aux oreilles d’Angélique. Une telle progression, en une heure, qui habituellement n'est pas atteinte en mille ans et plus. La belle dame accorde une grande attention aux pleurs, aux paroles, aux gestes de celui qui ne veut pas cesser de l'aimer. Ce n'est pas la première fois qu'elle l’entend ; pourtant insensible et froide comme une colonne de marbre, elle ne fléchit pas.