Le Circassien descend de selle et s'approche du cheval de guerre, espérant attraper la bride. Réactif comme la foudre, le destrier se retourne pour riposter, mais ne parvient pas à atteindre le chevalier avec ses sabots. Si le cheval l'avait touché de plein fouet, le chevalier aurait été mal en point, car la force dont fait preuve le destrier équivaut à celle nécessaire pour détruire une montagne d'acier. Cependant, le cheval s'adoucit et s'approche humblement de la jeune femme, avec une expression presque humaine, à l'image d'un chien guettant le retour de son maître après quelques jours d'absence. Bayard se souvient qu'elle est celle qui s'occupait de lui autrefois à Albracca, lorsqu'elle portait un amour immense pour Renaud, qui lui se montrait alors cruel et ingrat. La donzelle prend la bride du cheval avec sa main gauche, tandis que de l'autre, elle caresse son encolure et son poitrail. Le destrier, d'une intelligence surprenante, se soumet à elle comme un agneau. Pendant ce temps, Sacripant profite de l'occasion pour sauter sur Bayard et le maintient fermement à l'aide de ses éperons. La donzelle quitte la croupe allégée du roussin et remonte en selle. Alors, jetant un regard autour d'elle, elle aperçoit une silhouette puissamment armée, avançant à pied. Son visage s'empourpre de colère en reconnaissant le fils du duc Aymon. Celui-ci l'aime plus que sa propre vie et la désire ardemment, tandis qu'elle le hait et le fuit comme la grue fuit le faucon. Jadis, il la haïssait plus que la mort tandis qu'elle l'aimait. Aujourd'hui, les rôles sont inversés. Cet étrange revirement de situation est dû à deux fontaines dont les eaux ont des effets opposés ; toutes deux sont situées en Ardenne, l'une non loin de l'autre. La première comble le cœur de désirs amoureux ; la seconde...