Le couteau, je suis convaincu que ce n'est pas un homme, mais bien un esprit infernal sous une forme humaine. Ces deux bandits, selon moi, cherchaient à conduire une jeune femme dans les vallées obscures pour qu'elle disparaisse sans laisser de traces. J'étais là quand elle s'apprêtait à raconter les raisons de ce malheur à Renaud, le paladin qui l'a sauvée si courageusement. C'est cette histoire que je vais vous raconter maintenant. La jeune femme commença : "Tu vas entendre l'histoire de la plus grande et terrible cruauté jamais commise, que ce soit à Thebes, à Argos, à Mycènes ou même dans un endroit plus barbare encore. Je pense que le soleil n'éclaire pas autant notre contrée que les autres, car il souhaite éviter de témoigner de la cruauté de ses habitants. On a toujours vu des hommes se montrer cruels envers leurs ennemis. Mais vouloir donner la mort à quelqu'un qui ne fait que vous rendre service, c'est plus qu'injuste et inhumain. Pour te faire comprendre toute la vérité, je vais te raconter depuis le début pourquoi ils voulaient écourter ma vie. Je veux que tu saches, mon seigneur, que j'étais encore très jeune quand j'ai commencé à servir la fille du roi et que j'ai grandi avec elle à la cour, où je jouissais d'une bonne et honorable position. L'Amour cruel, jaloux de ma tranquillité, m'a soumise, hélas, à ses lois. Il a fait en sorte que, parmi tous les chevaliers et tous les damoiseaux, c'est le duc d'Albanie qui me paraissait le plus beau. Parce qu'il semblait m'aimer plus que tout, j'ai commencé à l'aimer de tout mon cœur. On entend bien les paroles douces, on voit bien le visage, mais il est difficile de savoir ce qui se passe vraiment à l'intérieur.