"Le chevalier se nommait Ariodant, un homme d'une bravoure inégalée, aimé tendrement par le roi et encore plus précieux aux yeux de la princesse. En effet, elle savait qu'il nourrissait pour elle une flamme d'amour intense. Ni le Vésuve, ni le volcan de Sicile, ni Troie ne brillèrent jamais avec autant d'ardeur que celle qu'Ariodant portait en lui pour la princesse. L'amour sincère et fidèle qu'elle portait à Ariodant rendait mes plaidoyers en faveur du duc inefficaces. Elle n'a jamais laissé d'espace à l'espérance, rejetant et minimisant chaque fois le duc, devenant de plus en plus hostile envers lui. J'ai plusieurs fois conseillé à mon amant de renoncer à cette entreprise futile. J'étais convaincue que la princesse n'abandonnerait jamais Ariodant, tellement elle était consumée par l'amour qu'elle lui portait. J'ai expliqué à mon amant que même toutes les eaux de la mer ne pourraient éteindre cette immense flamme. Le duc, qui répondait au nom de Polinesso, ayant entendu mes paroles et constaté par lui-même que son amour n'était pas réciproque, non seulement a renoncé à cet amour, mais, par orgueil, et ne supportant pas d'être délaissé, a transformé cet amour en colère et haine. Il a alors commencé à rêver de semer une telle discorde entre la princesse et Ariodant, provoquant une hostilité insurmontable, les empêchant de se réconcilier par la suite. Il a même envisagé de salir la réputation de la princesse au point qu'elle ne puisse jamais se débarrasser de cette infamie, qu'elle soit vivante ou morte. Cependant, il a gardé pour lui cet ignoble plan, sans en parler à qui que ce soit, même pas à moi."