"Je suis convaincu que tu es conscient de l'amour qui existe depuis longtemps entre Ginevra et moi, et que tu connais mon espoir de l'avoir comme épouse. Pourquoi venir me perturber ? Pourquoi te donner la peine de lui offrir ton cœur sans succès ? Par Dieu ! J'aurais plus de considération pour toi si nos positions étaient inversées." "Et pour ma part," répondit Ariodant, "je suis encore plus étonné à ton sujet, car je suis tombé amoureux d'elle avant même que tu ne la rencontres. Et je sais que tu n'ignores pas la force de notre amour mutuel, qui ne pourrait être plus intense. Son seul souhait est d'être ma femme, et je suis certain que tu sais qu'elle ne t'aime pas. "Pourquoi donc ne me montres-tu pas la même considération que celle que tu prétends que je devrais te montrer, et que je te montrerais sans doute si tu étais plus avancé que moi dans son affection ? N'espère pas davantage l'avoir pour femme, même si tu es le plus riche de cette cour. Je ne suis pas moins cher au roi, mais je suis plus aimé qu'elle par sa fille." "Oh ! dit le duc, quelle grande erreur t'a conduite à cet amour fou. Tu penses être plus aimé ; je pense la même chose. Mais on peut le juger par le résultat. Dis-moi honnêtement ce que tu ressens, et moi, je te dévoilerai tous mes secrets ; et celui d'entre nous qui semble le moins favorisé, cède au vainqueur et cherche à aller de l'avant. "Et je n'hésite pas à te jurer que jamais je ne révélerai ce que tu m'as dit ; de même, je souhaite que tu me donnes ta parole que tu garderas pour toujours secret ce que je t'ai dit". Ils ont donc prêté serment, en posant la main sur les Évangiles. Et après s'être jurés de garder le silence, Ariodant commença le premier.