"Il ne se passe pas un mois sans que je passe plusieurs nuits dans ses bras, nus et partageant le plaisir d'une ardeur amoureuse. Compare donc cela à ce que tu considères comme preuve de ton bonheur. Laisse-moi ma place et trouve la tienne ailleurs, puisque tu vois bien que tu es inférieur à moi." "Je refuse de te croire" lui répondit Ariodant, "je suis sûr que tu mens. Tu as inventé tous ces mensonges pour m'effrayer et me faire renoncer à mon projet. Mais puisqu'ils sontextrêmement injurieux à l'égard de Ginevra, tu devrais prouver ce que tu dis. De plus, je tiens à te prouver que tu es non seulement un menteur, mais aussi un traître." Le duc répliqua : "Il serait injuste que nous allions en bataille pour quelque chose que je peux te montrer de tes propres yeux si tu le désires." À l'entente de ces mots, Ariodant se figea, un frisson le parcourut et il trembla. S'il avait cru totalement à ces paroles, il en aurait sûrement perdu la vie sur-le-champ. Le cœur brisé, le visage pâle, la voix tremblante et avec un goût amer dans la bouche, il répondit : "Lorsque tu m'auras montré cette étonnante aventure, je promets de renoncer à celle qui est si généreuse avec toi et si avare avec moi. Mais je refuse de te croire jusqu'à ce que je vois de mes propres yeux." "Je te le ferai savoir en temps voulu," répondit Polinesso. Et ils se séparèrent. Je crois qu'il ne s'est pas passé plus de deux nuits avant que j'ordonne au duc de venir me voir. Il a donc rencontré son rival pour dévoiler les plans qu'il avait préparés en secret, et lui a demandé de se cacher la nuit suivante dans les maisons en ruine, où personne ne va jamais.