"Songe à prendre sa vie, non pas la tienne, garde le geste ultime pour une occasion qui te fera honneur. Tu avais le droit de l'aimer, tant que son fourbe comportement restait caché ; désormais, elle se doit d'être l'objet de ton mépris, après que tu as pu constater de tes propres yeux sa culpabilité. L'arme que tu souhaitais diriger contre toi-même, utilise-la pour dévoiler publiquement ce crime devant le roi." Ariodant, face à son frère, abandonne son projet macabre ; il reste néanmoins proche du désir de mourir. En proie à une grande détresse, son cœur n’est pas seulement blessé, il est déchiré. Toutefois, devant son frère, il dissimule la colère qui le submerge. Le matin suivant, sans dire un mot à son frère ni à quiconque, il s’en va, poussé par un profond désespoir. Plusieurs jours passent sans nouvelles de lui. Hormis le duc et son frère, nul ne connaît la raison de son départ. Un flot de rumeurs envahit le palais du roi et l’ensemble de l’Écosse. Huit jours plus tard, à peu près, un voyageur arrive à la cour et présente à Ginevra des nouvelles déplorables : Ariodant s'est jeté volontairement à la mer, en quête de sa propre fin, et n'y a pas été poussé par les vents ou une tempête. Du haut d’un rocher surplombant la mer, il s’est précipité tête première dans les flots. Ce voyageur poursuit : "Avant de passer à l'acte, il m’a rencontré par hasard sur sa route et m’a demandé de te porter ce message. 'Suis-moi, afin que Ginevra sache par ta voix ce qui m'est arrivé. Dis-lui que la raison de ce que tu vas être témoin ne se trouve pas ailleurs que dans le fait que j'en ai trop vu. Combien j'aurais été heureux si j'avais été privé de ma vue !'"