chances fussent restées égales. Mais il n’arrive pas jusqu’à lui, car, sans qu’il y ait de sa faute, son cheval tombe et l’entraîne. Aucun autre chevalier ne se montrant pour lutter avec le païen, celui-ci pense avoir gagné le prix de la bataille, c’est-à- dire la dame. Il vient à elle, près de la fontaine, et dit : « Damoi- selle, vous êtes à moi, à moins que quelqu’un ne monte encore en selle pour combattre en votre faveur. Vous ne pouvez vous refuser à le reconnaître, car c’est la loi de la guerre. » Marphise, levant la tête d’un air altier, dit : « Tu te trompes beaucoup. Je reconnais que tu dirais vrai, en prétendant que je t’appartiens selon le droit de guerre, si l’un de ceux que tu as jetés à terre eût été mon seigneur ou mon chevalier. Mais je ne suis à aucun d’eux ; je ne suis à personne autre qu’à moi. Donc, c’est à moi-même que celui qui désire m’avoir doit m’enlever. » Moi aussi, je sais manier l’écu et la lance, et j’ai jeté à terre plus d’un chevalier. » Et, se tournant vers les écuyers : « Donnez-moi. – dit-elle – mes armes et mon destrier. » Elle enlève ses vêtements de femme et apparaît en simple chemi- sette, montrant les beautés et les admirables proportions d’un corps dont chaque partie, si ce n’est le visage, semble appartenir à Mars. À peine armée, elle ceint son épée, saute légèrement à che- val, le fait caracoler trois ou quatre fois de côté et d’autre, puis, défiant le Sarrasin, elle saisit sa forte lance et commence l’assaut. Telle, dans le camp troyen, devait être Penthésilée 2, combattant contre Achille le Thessalien. 2 Penthésilée était reine des Amazones. Elle était accourue au se- cours des Troyens assiégés par les Grecs, et combattit souvent contre Achille. – 20 –