jour-là, Rodomont surpassa Job en patience, car, domptant son orgueil féroce, il refusa le combat que d’habitude il était le pre- mier à chercher avec insistance. Ce fut la première et la dernière fois que le roi d’Alger refu- sa le combat. Mais le désir qu’il avait de courir au secours de son roi lui semblait tellement sacré, que, même s’il avait cru te- nir Roger entre ses mains aussi facilement que le léopard agile et preste tient le lièvre, il n’aurait pas consenti à s’arrêter le temps d’échanger avec lui un coup d’épée ou deux. Ajoutez qu’il savait que c’était Roger qui le défiait au com- bat à cause de Frontin, Roger si fameux qu’il n’y avait pas un autre chevalier qui pût l’égaler en gloire ; Roger dont il avait toujours désiré éprouver, par expérience, la force sous les ar- mes. Pourtant il ne voulut pas accepter le combat avec lui, tel- lement il avait à cœur de secourir son roi assiégé. Sans cette circonstance, il aurait fait trois cent milles et plus pour courir au-devant d’une telle rencontre. Mais en ce moment, si Achille lui-même l’avait défié, il n’aurait pas agi au- trement que comme vous venez de l’entendre, tant il avait réussi à assoupir la flamme de sa colère. Il raconte à Roger pourquoi il refuse le combat, et le prie de l’aider dans son entreprise. Ce faisant, il fera ce que doit à son seigneur tout chevalier fidèle. Lorsque le siège sera levé, ils auront toujours bien le temps de vider leur querelle. Roger lui répond : « Il me sera fa- cile de différer ce combat jusqu’à ce qu’Agramant ait échappé aux forces de Charles, pourvu que tu me rendes sur-le-champ mon cheval Frontin. » Si tu veux que je consente à remettre à notre arrivée à la cour de prouver que tu as commis une chose indigne d’un homme brave en enlevant mon cheval à une dame, abandonne Frontin, et mets-le à ma disposition. Ne crois pas qu’autrement – 23 –