aujourd’hui ! Puisque ni les menaces ni les ménagements n’ont pu t’enlever cette folie de la tête, je te montrerai combien c’eût été pour toi un meilleur parti de m’avoir obéi sur-le-champ. » De même que le bois sec et bien échauffé s’enflamme subi- tement au moindre souffle, ainsi s’allume l’indignation de Roger au premier mot qu’il entend de cette menace. « Tu crois – dit-il – m’intimider d’un signe, parce que je suis en contestation avec cet autre. Mais je te montrerai que je suis bon pour arracher à lui Frontin et à toi le bouclier d’Hector. » Une autre fois, il est vrai, j’en suis venu aux mains avec toi pour ce motif, et il n’y a pas encore longtemps de cela. Mais je me retins alors de te tuer, parce que tu n’avais pas d’épée au flanc. Ce qui n’était qu’une menace va devenir un fait accompli. Cet oiseau blanc t’attirera malheur, car, dès l’antiquité, il sert d’armoiries à ma race ; tu l’as usurpé, et moi je le porte à juste titre. » « C’est toi, au contraire, qui as usurpé mes armoiries, » ré- pond Mandricard ; et il tire son épée. C’était celle que, peu au- paravant, Roland, dans sa folie, avait jetée par la forêt. Le brave Roger, qui ne pouvait en aucune circonstance se départir de sa courtoisie, laissa tomber sa lance sur le chemin, quand il vit que le païen avait tiré l’épée. En même temps il saisit Balisarde, la bonne épée, et assu- jettit son écu à son bras. Mais l’Africain pousse son destrier en- tre les deux adversaires, suivi de Marphise. Les prenant chacun à part, ils les prient de ne point en venir aux mains. Rodomont se plaint que Mandricard ait deux fois rompu le pacte qu’ils ont fait ensemble ; La première fois, s’imaginant conquérir Marphise, il s’était arrêté pour rompre plus d’une lance. Maintenant, pour disputer à Roger une devise, il montre peu de souci du roi Agramant. – 25 –