invulnérable, décida d'attendre sa flotte. Quand elle arriva, à peine l'ennemi l'eut-il aperçue qu'environ deux cent vingt navires tout prêts et équipés de façon parfaite sortirent d'un port et vinrent se ranger en face des nôtres. Ni Brutus, qui commandait la flotte, ni les tribuns militaires et les centurions, qui avaient chacun un vaisseau, n'étaient au clair sur la conduite à tenir, sur la méthode de combat à adopter. Ils se rendaient compte, en effet, que l'éperon était inefficace ; et si l'on élevait des tours, les vaisseaux ennemis les dominaient encore grâce à la hauteur de leurs poupes, en sorte que nos projectiles, tirés d'en bas, portaient mal, tandis que ceux des Gaulois tombaient au contraire avec plus de force. Un seul engin préparé par nous fut très utile : des faux très tranchantes emmanchées de longues perches, assez semblables aux faux de siège. Une fois qu'à l'aide de ces engins on avait accroché et tiré à soi les cordes qui attachaient les vergues au mât, on les coupait en faisant force de rames. Alors les vergues tombaient forcément, et les vaisseaux gaulois, qui ne pouvaient compter que sur les voiles et les agrès, s'en trouvant privés, étaient du même coup réduits à l'impuissance. Le reste du combat n'était plus qu'affaire de courage, et en cela nos soldats avaient aisément le dessus, d'autant plus que la bataille se déroulait sous les yeux de César et de l'armée tout entière, si bien qu'aucune action de quelque valeur ne pouvait rester inconnue : l'armée occupait, en effet, toutes les collines et toutes les hauteurs d'où l'on voyait de près la mer. 15. Une fois ses vergues abattues de la manière que nous avons dite, chaque navire était entouré de deux et parfois trois des nôtres, et nos soldats montaient de vive force à l'abordage. Quand les barbares virent ce qui se passait, comme déjà un grand nombre de leurs vaisseaux avaient été pris, et qu'ils ne trouvaient rien à opposer à cette tactique, ils cherchèrent leur salut dans la fuite. Déjà leurs navires prenaient le vent, quand soudain il tomba, et ce fut une telle bonace, un tel calme, que les vaisseaux ne pouvaient bouger. Cette circonstance nous fut des plus favorables pour compléter notre victoire car nous attaquâmes et prîmes les navires l'un après l'autre, et le nombre fut infime de ceux qui purent, grâce à la nuit, gagner le rivage, après un combat - 61 -