LIVRE QUATRIÈME 55 av. J.-C. 1. L'hiver qui suivit – c'était l'année du consulat de Cnéus Pompée et de Marcus Crassus –, les Usipètes, peuple de Germanie, et aussi les Tencthères, passèrent le Rhin en masse, non loin de la mer où il se jette. La raison de ce passage fut que depuis plusieurs années les Suèves leur faisaient une guerre continuelle et très dure, et qu'ils ne pouvaient plus cultiver leurs champs. Les Suèves sont le peuple de beaucoup le plus grand et le plus belliqueux de toute la Germanie. On dit qu'ils forment cent clans, lesquels fournissent chacun mille hommes par an, qu'on emmène faire des guerres extérieures. Les autres, ceux qui sont restés au pays, pourvoient à leur nourriture et à celle de l'armée ; l'année suivante, ceux-ci prennent à leur tour les armes, tandis que ceux- là restent au pays. De la sorte, la culture des champs, l'instruction et l'entraînement militaires sont également assurés sans interruption. D'ailleurs, la propriété privée n'existe pas chez eux, et on ne peut séjourner plus d'un an sur le même sol pour le cultiver. Le blé compte peu dans leur alimentation, ils vivent principalement du lait et de la chair des troupeaux, et ils sont grands chasseurs ; ce genre de vie – leur alimentation, l'exercice quotidien, la vie libre, car, dès l'enfance, n'étant pliés à aucun devoir, à aucune discipline, ils ne font rien que ce qui leur plaît –, tout cela les fortifie et fait d'eux des hommes d'une taille extraordinaire. Ajoutez qu'ils se sont entraînés, bien qu'habitant des régions très froides, à n'avoir pour tout vêtement que des peaux, dont l'exiguïté laisse à découvert une grande partie de leur corps, et à se baigner dans les fleuves. 2. Ils donnent accès chez eux aux marchands, plus pour avoir à qui vendre leur butin de guerre que par besoin d'importations. Les Germains n'importent même pas de chevaux, qui sont la - 69 -