Le Grand Cyrus partie 1 cherche qu'à vous justifier. Ciaxare ouvrant alors les Tablettes, se mit à relire tout haut ce qu'Artamene y avoit escrit : et le regardant fixement ; comment expliquez vous ces paroles ? luy dit il. Je ne manque jamais à ce que j'ay promis, non plus qu'à ce que je dois : ainsi vous devez estre assuré de me voir observer inviolablememt, toutes les choses dont nous sommes convenus. Parlez Artamene, parlez, adjousta t'il ; qu'avez vous promis au Roy d'Assirie ? Et comment pouvez vous luy avoir promis quelque chose, et n'avoir pas manqué à ce que vous me devez ? Seigneur, respondit Artamene, vous sçavez que le Roy d'Assirie et moy, avons eu autrefois quelques petits differens ensemble : et que l'amour de la Gloire nous a faits Rivaux il y a long temps. Ainsi, Seigneur, nous avons certaines choses à démesler, qui ne regardent point vostre Majesté ; et dont je la supplie tres-humblement ; de ne s'informer pas davantage. Vous me direz pourtant encore, respondit Ciaxare en eslevant la voix, quelle couleur vous pouvez donner à ces paroles, qui sont la fin de vostre Billet. Je souhaite seulement, que nous soyons bien tost en estat, de disputer un prix dont je suis indigne : mais que personne ne possedera pourtant jamais, que par la mort D'ARTAMENE. Quel est ce prix, Artamene, dont la possession vous est si chere ? Je vous ay desja dit, Seigneur, respondit il, que la Gloire est la cause de tous les differens, que le Roy d'Assirie a eus, et aura tousjours avec Artamene : et c'est ce premier rang de la Valeur que je veux luy disputer jusques à la mort. Pour moy, adjousta Ciaxare, apres avoir bien cherché l'explication de ces paroles, je ne voy point qu'il puisse y avoir d'autre prix à disputer entre vous, que ma Couronne, ou ma Fille ; et lequel que ce soit des deux, vous estes également criminel : et mesme beaucoup plus criminel que n'est pas le Roy d'Assirie : Puis qu'en fin il est d'une condition à pouvoir pretendre à l'une et à l'autre : et que selon les apparences, la vostre en est bien esloignée. Seigneur, reprit froidement Artamene, par cette mesme raison, vous devez croire que le Roy d'Assirie ne voudroit pas me faire l'honneur de disputer contre moy, une chose où je ne pourrois jamais pretendre. Vous dites cela d'un certain ton, repliqua le Roy, si disproportionné à vostre condition, qu'il me confirme encore dans ma croyance : car en fin tout mon ennemy qu'est le Roy d'Assirie, il est tousjours Roy : et dés là, vous luy devez plus de respect, qu'il n'en paroist en vos discours. Lors que j'ay l'espée à la (main respondit Artamene, qui ne pût s'empescher d'estre un peu esmeu ;) j'embarrasse peut-estre les Rois, aussi bien que les autres hommes : vous en connoissez plus d'un, qui peut vous apprendre si je dis vray : et celuy mesme dont vous semblez prendre la deffence, peut vous en dire quelque chose, s'il n'a mauvaise memoire. Il n'est pas icy question de vostre bravure, adjousta Ciaxare, je ne doute pas que vous ne soyez vaillant ; mais j'ay lieu de douter si vous estes fidelle. Vostre Majesté ne douteroit non plus de l'un que de l'autre, si elle me connoissoit bien, luy dit Artamene ; et il n'est pas aisé d'imaginer, qui pourroit corrompre la fidelité de celuy qui dispose à son gré des Couronnes. Pourquoy donc, repartit le Roy, ne m'éclaircissez vous de vos intentions, s'il est vray qu'elles soient innocentes ? Je supplie vostre Majesté, luy respondit il, de ne me presser pas davantage, sur une chose que je ne puis, ny ne dois luy dire : il me suffit, adjousta t'il, que l'on sçait que les Dieux ont voulu quelque-fois se servir de ma main, pour soutenir ce mesme Sceptre, auquel vous croyez que je pretens. Ne me reprochez point, interrompit alors Ciaxare, les services que vous m'avez rendus : car outre que vous verrez que vous n'en estes pas mal payé, si vous vous souvenez de ce que vous estiez, et de ce que vous estes ; il ne m'en souvient que trop : et si j'en avois perdu la memoire, peut-estre auriez vous desja perdu la vie. Du moins ne m'arresterois-je pas si long temps, à chercher moy mesme des excuses à vostre crime : et je ne me verrois pas plus diligent que vous, à essayer de vous justifier. Seigneur, reprit Artamene, je ne vous reproche pas mes services : et ils sont si peu considerables, que je ne vous en aurois pas parlé, si j'eusse eu d'autres raisons pour soutenir mon innocence calomniée. Et d'où voulez vous que nous tirions les preuves de cette innocence pretenduë, luy dit Ciaxare ? De la connoissance de ma vertu, respondit Artamene ; si vous estes encore capable de la connoistre. Quoy ! adjousta Ciaxare encore plus irrité, vous ne voulez donc pas me descouvrir plus precisément, quelle est cette intelligence que vous avez, avec le Ravisseur de ma Fille et mon Ennemy ? Seigneur, le temps vous file:///D|/Bureau/HTML/cyrus1.htm (21 sur 173)13/07/2003 16:32:12