Le Grand Cyrus partie 1 J'avais reçu plus de témoignages d'affection de cette chère princesse à travers mes rivaux qu'elle ne m'en avait jamais donné en personne. Sa noble retenue avait toujours distribué ses faveurs avec tant de sagesse, je n'osais jamais être pleinement rassuré quant à ma bonne fortune. Et pourtant, j'en ai appris plus par la bouche du Roi d'Assyrie, une lettre de Mazare, et Mazare lui-même, agonisant ; j'avais une place plus grande dans son cœur que je ne l'espérais. Mais oh dieux ! Quelle est l'utilité de ce bonheur, de cette assurance d'être aimé, si celle qui pourrait créer ma joie par son choix n'est plus en mesure d'aimer ; et si même je suis obligé d'abandonner mon espoir, toute ma bonne fortune avec ma vie ? Il se tut et restait silencieux pendant un moment, parfois regardant vers la mer, parfois cherchant des signes de retour de ceux qu'il avait envoyés chercher, et parfois fixant l'écharpe qu'il tenait. Chrisante, voyant le jour toucher à sa fin, a essayé de l'encourager à retourner en ville, ne serait-ce que pour pouvoir envoyer plus de monde le long de la côte à la recherche de la princesse. Mais il ne partit pas immédiatement, pas avant d'apercevoir Thrasibule, Araspe, Aglatidas, Hidaspe et beaucoup d'autres au loin, qui l'avaient respecté en lui laissant le temps d'être seul avec ses pensées mais qui venaient maintenant le rejoindre. "A quel moyen puis-je recourir pour cacher ma douleur ?", déclare-t-il en se tournant vers Chrisante et Feraulas. "Comment puis-je montrer à ceux qui viennent à nous, que la douleur n'est qu'en raison de la compassion et non à cause de mon regret pour la princesse ? Je ne pense pas en être capable. Cependant, je sais que si Mandane pouvait m'apparaitre maintenant, ce serait pour me l'ordonner ; pour exiger de moi de cacher mes larmes afin de cacher mon affection." Alors Thrasibule et le reste du groupe se rapprochaient, et il fut obligé de se taire et de s'avancer pour les accueillir. Ils le virent si changé, qu'ils savaient qu'il avait eu un grand souci sans qu'il ait besoin de le dire. Ils étaient tous préoccupés, même sans savoir ce qui le troublait. Feraulas a rapidement partagé la triste nouvelle, de peur que si elle était présentée de manière plus détaillée, Artamene ne puisse pas contrôler son chagrin. Artamene, pensant qu'il serait plus facile de cacher sa douleur en ville, où il pourrait être seul dans sa chambre sous le prétexte d'écrire les nouvelles funestes à Ciaxare, a décidé de retourner en ville. Pendant le voyage, il a parlé le moins possible et tous les autres ont discuté de l'accident funeste. Certains regrettaient la perte de la princesse pour ses grandes qualités, qu'elles soit physiques, intellectuelles ou spirituelles. Certains compatissaient avec le roi son père, d'autres déploraient la perte d'une lignée aussi illustre que celle des rois des Mèdes, mais ils ne savaient pas que celui qui souffrait le plus était parmi eux. "Il me semble", dit Hidaspe à Chrisante, "que cet accident ressemble à la douleur qu'a ressentie le roi de Perse, notre maître, lorsqu'il a reçu les nouvelles du naufrage du jeune Cyrus. Tout le monde avait de grandes attentes pour ce prince, et je ne doute pas que Ciaxare ressentira un chagrin énorme pour le malheur de sa fille, comme Cambise l'a fait pour le naufrage de Cyrus.