Le Grand Cyrus partie 1
"Vous le saurez, répondit cet innocent accusé, uniquement par lui, vous comprendrez de quelle manière, Artamene, cet homme que vous ne connaissez pas ; cet homme qui selon vous, voulait vous trahir ; cet homme que vous avez aimé ; est en interaction avec votre ennemi. Inutile d'attendre pour me faire l'avouer, répliqua Ciaxare, cela est déjà assez clair via votre lettre et même vos discours. Néanmoins, les détails de cette conspiration secrète sont nécessaires à ma sécurité et au bien de mon État ; sans attendre que le temps m'éclaire, possible qu'une fois en prison, plus étroite et sévère que celle que vous aviez donnée au Roi d'Assyrie, vous accepterez enfin de me les apprendre. Seigneur, répondit Artamene, calme et contrôlé, ni captivité ni même la torture ne peuvent forcer Artamene à dévoiler ce qu'il ne souhaite pas révéler. Ce qui me console dans cette aventure, c'est que je n'abandonnerai mon épée pour des chaînes qu'à un moment où votre Majesté n'a plus beaucoup d'ennemis assez puissants pour la menacer. Ainsi, sa perte en perdant moi ne serait qu'un serviteur inutile. Je comprends bien, répliqua le Roi en colère, et vous ne pouvez vous empêcher de me rappeler vos services. Alors, se tournant vers la porte de son cabinet, où il était seul avec Artamene, il appela le capitaine de ses gardes et lui ordonna de l'emmener à sa chambre et de répondre de lui sous peine de mort. Ce capitaine qui aimait beaucoup Artamene, et qui savait quelle était sa faveur, fut surpris par cet ordre, et douterait presque s'il devrait y obéir. Et voir une si rapide révolution dans la fortune d'un homme, qui un jour était le plus absolu de tout le royaume ; et qui faisait le destin des princes et des rois à sa guise ; il ne pouvait s'empêcher de montrer son étonnement, ni de se décider sur ce qu'il devrait faire. Mais Artamene l'avait remarqué, allons, lui dit-il, allons (en lui tendant son épée) et rendons ce dernier service au roi, apprendre à tous ses sujets à obéir gracieusement, même aux ordres les plus rudes. En disant cela, il fit une profonde révérence à Ciaxare et suivit Andramias, sans émotion, comme s'il revenait libre dans sa chambre, comme il en était sorti. Par la suite, le Roi ordonna de s'assurer d'Araspes ; et ses directives furent suivies. Dire ce que le malheureux Artamene a pensé à cette occasion, et à quel point le Roi des Mèdes fut réticent à faire ce qu'il a fait, serait assez difficile. Le premier s'arrêtait parfois autant pour admirer la bizarrerie de cet accident qu'à se plaindre : et le second se repentait presque à tout moment de ce qu'il venait de faire. Qui pourrait jamais imaginer, se demandait-il, qu'Artamene, par la valeur de qui j'ai remporté tant de victoires et vaincu tant de rois ; ait voulu ternir sa réputation par une trahison ? Non, non, Artamene est criminel : et par amour ou par ambition, ou les deux à la fois ; il est coupable et mérite d'être puni. L'amour que je porte pour lui complique la tâche. Essayons tout de même tout pour fléchir cet esprit obstiné : et pour trouver matière à lui pardonner, faisons tout ce que nous pouvons pour lui faire admettre son crime. Quant à Artamene, son esprit amoureux ne pouvait se séparer de sa princesse, il pensait bien plus à son naufrage qu'à sa prison : et avait bien plus peur de sa perte que de la sienne. Endurcis-toi, Destin inflexible, s'écriait-il, tu ne peux plus me tourmenter, et mon âme, insensible à tout sauf à Mandane, te défie de l'ébranler. Tue-moi s'il le faut, tant que j'ai lieu de craindre que ma princesse soit dans la tombe. Oh, belle princesse, si seulement tu savais à quel point je t'aime... Le Grand Cyrus partie 1